L’état de siège instauré en mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), dans le but de lutter contre les groupes armés et de protéger les civils, a suscité de vives controverses. Si le gouvernement congolais a défendu cette mesure exceptionnelle, les défenseurs des droits de l’homme et une partie de la société civile dénoncent ses effets pervers.
Conçu initialement comme une solution radicale pour mettre fin aux violences dans l’est du pays, l’état de siège a été critiqué pour son inefficacité à enrayer les massacres et les exactions. Au contraire, les chiffres de victimes civiles ont continué d’augmenter .
Un bilan humain lourd
Les données recueillies par les Nations Unies et les organisations de la société civile sont sans appel : depuis la proclamation de l’état de siège, le nombre de civils tués, blessés ou déplacés n’a cessé de croître. Les groupes armés, notamment les ADF affiliés à l’État islamique et le M23, ont maintenu leurs activités et ont même étendu leur zone d’influence.
Parallèlement, les forces de sécurité congolaises, investies de pouvoirs exceptionnels dans le cadre de l’état de siège, ont été accusées à maintes reprises de violations graves des droits de l’homme. Des cas de torture, d’exécutions extrajudiciaires et d’arrestations arbitraires ont été documentés, notamment à l’encontre des militants des droits de l’homme, des journalistes et des opposants politiques.
Un outil de répression ?
L’état de siège a ainsi été instrumentalisé pour museler toute forme de dissidence et restreindre l’espace civique. Les critiques envers le gouvernement et les autorités militaires ont été sévèrement réprimées, suscitant une vive inquiétude au sein de la communauté internationale.
Les ONG de défense des droits de l’homme, telles qu’Amnesty International, ont dénoncé une détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans les provinces concernées, attribuant une part importante de la responsabilité au gouvernement congolais.
Des interrogations sur la gestion des fonds
Par ailleurs, des questions ont été soulevées concernant la gestion des fonds alloués à l’état de siège. Des enquêtes ont révélé des détournements et des malversations, alimentant les soupçons de corruption.
« L’état de siège s’est avéré être un véritable échec, devenant un outil d’enrichissement pour une poignée de personnes. Les fonds débloqués au nom de l’état de siège sont détournés, tandis que les militaires au front souffrent de la faim. Les responsables militaires résident dans les grands hôtels de Goma, utilisant cette mesure exceptionnelle pour s’enrichir. Depuis sa proclamation, aucun territoire n’a été récupéré des mains des rebelles ; au contraire, nous avons perdu plusieurs territoires. Les massacres, les tueries, les assassinats, les viols et les pillages continuent, même en pleine ville. De plus, l’état de siège est utilisé pour réduire au silence les acteurs de la société civile, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et les opposants politiques. C’est donc un outil qui restreint davantage l’espace civique. » souligne Bahati Rubango expert en gouvernance sécuritaire en RDC
Des perspectives incertaines
À l’allure où vont les choses, l’état de siège semble devenir une fiction. En effet, les ennemis continuent d’occuper certaines zones stratégiques, et ce, sous le regard passif de nos FARDC. Selon des sources anonymes, ces dernières manqueraient même d’approvisionnement en nourriture pour faire face à l’ennemi. Un cadre de la province , qui préfère garder l’anonymat, exprime ainsi ses inquiétudes sur la situation actuelle.
Les défis auxquels fait face la RDC sont immenses : instaurer un climat de paix durable, lutter contre l’impunité, renforcer les institutions et promouvoir le développement. La levée de l’état de siège représente une étape cruciale dans ce processus