CLIMAT : Exploitation des blocs pétroliers et gaziers en RDC, la COP28 fait un bloc

Rédaction Centrale
13 Min Read
Combustibles fossiles

« S’éloigner des combustibles fossiles. » C’est par cet appel que la COP28 a pris fin en 2023. Décisif, il s’agit d’une première depuis l’histoire des conférences de l’ONU sur le climat. La volonté visant « élimination progressive » du pétrole, du charbon et du gaz et bien d’autres combustibles fossiles semble combler plusieurs nations sans pour autant satisfaire d’autres, restant sur leur soif. D’une part, les oppositions, d’autre part l’approbation. Comment concilier les avis des uns et des autres ?

En effet, les industries de combustibles fossiles sont de grands polluants du siècle. Trouver une orientation et des mesures strictes garantissant leur élimination semble être, selon plusieurs observateurs, une décision qui s’impose et qui pourrait générer des répercutions économiques en leur défaveur. Déjà pendant la COP28, les négociations ont poussé les séances à un prolongement de ladite conférence. Ce qui pourrait faire penser que cette question a beaucoup plus touché l’intimité de plusieurs acteurs intervenant dans ce domaine de changement climatique.

La volonté des nations unies est imposante bien que plusieurs gouvernements se soient déjà rangés du côté des combustions fossiles depuis plusieurs années. Une décision imposante mais qui semble encore négociable au regard des retombées économiques considérables chez ceux qui en ont fait un domaine de prédilection. Les gouvernements éprouvent de peine à agir pour limiter l’exploitation des combustibles fossiles et se ranger derrière la volonté générale de constituer un bloc contre le réchauffement climatique.

Volonté générale et oppositions

Les gouvernements ne sauraient l’ignorer. Partout dans le monde, le fréquent torchage (combustion des gaz en torchère) et l’évacuation des gaz présentent de graves risques pour la santé, allant du cancer à la santé respiratoire. La pollution de l’air causée par les raffineries de pétrole et les centrales à charbon entraîne des milliers de décès prématurés dans le monde. L’exploitation du charbon à ciel ouvert contamine l’eau potable de communautés entières, précise HRW.

Récemment, Human Rights Watch a présenté les résultats de son enquête sur les combustibles fossiles. Cette organisation a documenté sur la pollution atmosphérique toxique provoquée par l’industrie des combustibles fossiles aux Émirats arabes unis, contribuant considérablement au fardeau des décès et des maladies évitables dans le pays.

L’accord de Paris de 2015 était pourtant salutaire. Avec l’objectif de réduction du réchauffement climatique à 1,5°C, le monde aspirait déjà à une avancée significative dans la résolution du réchauffement climatique. Selon Antonio GUTIEREZ, atteindre la réduction de 1,5°C « sera impossible sans l’élimination progressive de tous les combustibles fossiles ». Ce qui est un impératif catégorique pour le patron des Nations Unies.

A en croire le Secrétaire des Nations Unies, il y a un aller sans retour. Les gouvernements et d’autres acteurs économiques qui ont fait des combustions fossiles leur champs d’exploitation économique n’ont d’autre choix que de se ranger derrière cette volonté générale. D’ailleurs Antonion Gutierez, s’exprimant face aux oppositions, insinue que, « à ceux qui se sont opposés à une référence claire à l’élimination progressive des combustibles fossiles dans le texte de la COP28, je tiens à dire qu’une élimination progressive des combustibles fossiles est inévitable, qu’ils le veuillent ou non. Espérons que cela n’arrive pas trop tard ».

Pays vulnérables, pays pollueurs

L’Afrique est pour la plupart des cas nommée comme continent vulnérable. C’est dans ce contexte que la République Démocratique du Congo fait partie des pays les plus vulnérables du réchauffement climatique.  C’est ce que nous pouvons noter de la conclusion d’une étude du cabinet britannique d’analyse des risques Maplecroft qui cite que les dix pays les plus exposés au péril climatique sont aussi parmi les plus pauvres : le Bangladesh, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone, Haiti, le Soudan, le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Cambodge, les Philippines et l’Ethiopie.

Que la République démocratique du Congo soit victime, c’est une réalité à part. faut-il encore qu’elle ne soit par source de pollution au regard des ambitions économiques qui trainent dans ses tiroirs. S’opposer à l’exploitation des combustibles fossiles dans ce géant économique serait salutaire. L’industrie des combustibles fossiles est parvenues à réaliser des profits obscènes au détriment des populations locales, de la biodiversité et d’un climat dans des zones d’exploitation et en dehors. Emmener les gouvernements et les entreprises à mettre immédiatement fin à l’expansion et aux subventions des combustibles fossiles peut produire des conséquences considérables pour l’avenir de l’humanité.

Lorsqu’en juillet 2022 la République Démocratique du Congo lance des appels d’offres pour les droits d’exploration de 30 blocs de pétrole et de gaz, l’on réalise vite que l’enjeux économique est mis en avant. Lors d’une cérémonie organisée le 9 septembre Didier Budimbu, ministre des Hydrocarbures, et Nicolas Kazadi, ministre des Finances, saluaient la signature de contrats de partage de production avec Winds Exploration and Production LLC et Alfajiri Energy pour l’exploitation de deux blocs gaziers du lac Kivu situé à l’Est du pays. Plusieurs provinces de la RDC seront concernées par ces industries. Le Sud-Kivu avec le bloc gazier d’Idjwi, l’Ituri et le Nord-Kivu sont parmi les provinces concernées malgré l’activisme des conflits armés qui plane dans ces régions.

Les risques et conséquences d’un tel choix ne semblent pas être considérés. Tout cela exposerait les communautés locales à des catastrophes néfastes à venir due à l’exportation et l’exploitation des combustibles fossiles. D’ailleurs, 13 de ces blocs pétroliers chevauchent des aires protégées et des parcs nationaux, y compris le parc national des Virunga classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

Voici les Blocs Pétroliers et Gaziers reconnus en RDC :

A. Blocs pétroliers

I. Pour le Bassin côtier (3 Blocs)

  1. Bloc Yema II est situé dans le territoire de Muanda, district de Bas-fleuve, province du Kongo-Central.
  2. Bloc Nganzi s’étend dans les territoires de Lukula et de Tshela, district de Bas-fleuve, province du Kongo-Central, à l’ouest de la RDC.
  3. Bloc Matamba-Makanzi II est situé dans le territoire de Muanda, district de Bas-fleuve, province du Kongo Central.
  4. II. Pour la Cuvette Centrale (9 Blocs)
  5. Bloc 4 s’étend sur les territoires de Bolomba et Basankusu dans la province de l’Équateur et sur les territoires de Boende et Befale dans la province de la Tshuapa.
  6. Bloc 4B s’étend dans les territoires de Befale, Boende, Djolu dans la province de la Tshuapa, Bongandanga, Bokungu, Ikela dans la province de la Mongala, Yahuma dans la province de la Tshopo.
  7. Bloc 6 s’étend sur les territoires de Banalia, Bafwasende, Isangi, Ubundu, Opala dans la province de la Tshopo.
  8. Bloc 18 s’étend dans les territoires de Kole, Lodja, Lusambo, Lomela (Province de Sankuru) ; Mweka, Dekese (Province du Kasaï) ; Demba et Dimbelenge (Province du Kasaï-Central).
  9. Bloc 21 s’étend dans les territoires de Kasongo, Kibombo, Kabambare (Province du Maniema), Katako-Kombe et Lubefu (Province du Sankuru).
  10. Bloc 22 situé dans les territoires de Lukolela (Province de l’Equateur), Yumbi, Bolobo et Mushie (Province de Mai-Ndombe).
  11. Bloc 25 situé dans la ville de Kinshasa et à sa périphérie.
  12. Bloc Moero qui s’étend sur les territoires de Kasenga, Pweto (Province de Haut-Katanga), Moba et Manono (Province de Tanganyika).
  13. Bloc Upemba siitué à cheval entre les provinces de Haut-Lomami, Haut-Katanga, Lualaba et Tanganyika.

III. Pour le Graben Tanganyika (11 Blocs) 

  1. Bloc Kibanga Kisoshi est situé dans le territoire de Fizi dans la province du Sud Kivu ;
  2. Bloc Kalemie est situé dans le territoire de Kalemie, Province de Tanganyika ;
  3. Bloc Kituku Moliro est situé au sud du territoire de Moba, province de Tanganyika ;
  4. Bloc Mulula Lubanga est situé dans le territoire de Kalemie, province de Tanganyika ;
  5. Bloc Uvira est situé entre les territoires de Uvira et Fizi dans la province du Sud Kivu ;
  6. Bloc Baraka est situé dans le territoire de Fizi dans la province du Sud Kivu ;
  7. Bloc Kakelwa-Kabobo est situé entre les territoires de Fizi et de Kalemie dans la province du Tanganyika ;
  8. Bloc Kabimba est situé dans le territoire de Kalemie dans la province du Tanganyika ;
  9. Bloc Kibi-Fatuma est situé entre les territoires de Moba et de Kalemie dans la province du Tanganyika ;
  10. Bloc Mpala est situé dans le territoire de Moba dans la province du Tanganyika ;
  11. Bloc Moba est situé dans le territoire de Moba dans la province du Tanganyika.
  12. Pour le Graben Albertine (4 Blocs)
  13. Bloc I est situé dans les territoires de Mahagi et de Djugu dans la province d’Ituri.
  14. Bloc II est situé dans les territoire de Irumu et de Djugu dans la province du Ituri.
  15. Bloc IV est situé dans les territoires de Beni, Oicha, Butembo et Lubero dans la province du Nord-Kivu.
  16. Bloc V est situé dans les territoires de Lubero et Rutshuru dans la province du Nord-Kivu.
  17. Blocs Gaziers (3 Blocs)

Trois Blocs Gaziers sont reconnus sur le lac Kivu : Bloc Makelele, Bloc Idjwi, Bloc Lwandjofu

Solutions et actions prophétiques

Joe Eisen, directeur exécutif de la Rainforest Foundation UK avait bel et bien averti qu’il est encore temps pour la RDC de tracer une voie différente vers un avenir à faible émission de carbone, une voie qui exploite l’immense potentiel du pays en matière d’énergies renouvelables et qui est ancrée dans les droits des communautés locales.

Les communautés locales ainsi que les peuples autochtones détiennent dans leurs mains la clé de la protection des écosystèmes, des forêts. Il en va de leur volonté de trouver des solutions prophétiques à des actions prophétiques.

Des actions prophétiques répondant à l’urgence climatique dans une perspective générale. Notre choix orienté vers le climat aujourd’hui peut détruire ou sauver l’avenir de toute l’humanité. Plusieurs petites actions néfastes posées contre le climat, combinées, peuvent contribuer au déclenchement de l’eschatologie climatique mondiale.  Dans ce cadre, inspirer les actions du gouvernement, mener un activisme orientée vers la surveillance des limites planétaires dans les communautés, instruire et guider les acteurs économiques et les investisseurs dans un militantisme gouvernemental et prophétique sont parmi les mesures à prendre. Prophétique puisque visant le devenir meilleur de l’homme et du monde.

Des solutions prophétiques aux défis climatiques hérités pour garantir l’avenir de l’humanité et des écosystèmes. Dans le contexte africain et surtout congolais, il n’est pas encore tard de trouver des solutions qui sauvent le devenir du monde face à l’engouement des industries fossiles. Le dernier souffle climatique, le dernier espoir climatique de l’humanité est en Afrique. Il est temps de prendre des résolutions qui répondent aux besoins et aux droits des populations. La tentation de faire comme les autres est évitable. Car, se plaindre des autres et répéter leurs erreurs est la pire des erreurs à ne pas commettre dans un contexte climatique africain où l’on commence à découvrir des vulnérables pollueurs. Il n’est pas nécessaire de contempler la fin écologique du monde en ne faisant rien. Il faut agir, et aujourd’hui.

CITO CIBAMBO Ferdinand, Journaliste environnemental et Ambassadeur Climat du RESEAU ESPACE CLIMAT RDC

Share This Article
Leave a comment