C’est depuis plusieurs décennies maintenant que la partie Est de la RDC est en proie à l’activisme des groupes armés. Le M-23, une ancienne rébellion Tutsi vaincue en 2013, a repris, depuis 2021 ; son activisme en province du Nord-Kivu. Son retrait annoncé depuis le 23 décembre 2022 n’est toujours pas effectif, des combats sont signalés au quotidien entre ce mouvement terroriste et les autres forces dans la zone.
Cette situation crée une instabilité sans précédent au sein de toute la région des Grands-Lacs africains. Parmi les conséquences de cette situation, figurent les déplacements massifs des populations congolaises vers les pays voisins dont le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, etc.
Le président rwandais Paul Kagame a annoncé, le lundi 9 janvier 2023, que son pays ne pourra plus accueillir les réfugiés congolais. Selon ses propos, la question des réfugiés congolais n’est pas un problème du Rwanda, et ce dernier ne doit pas supporter ce fardeau.
Les réfugiés Congolais rejettés par leur auteur !
Des sources concordantes soutiennent que Paul Kagame est à l’origine du génocide rwandais en 1994 (il est noté au moins 800 000 personnes tuées entre avril et juillet 1994, et au moins deux millions de personnes déplacées, réfugiées et exilées).
Ce génocide a provoqué de milliers de réfugiés qui se sont éparpillés dans des pays voisins, et principalement en RDC (Zaïre à l’époque). Cette question demeure l’une des grands fléaux au centre de la déstabilisation de la région des Grands-Lacs africains.
En effet, certains de ces réfugiés provoquent eux-mêmes un problème d’intégration dans les pays et communautés d’accueil (en réclamant brutalement la nationalité, en occupant par force certains territoires, en détruisant les champs des autochtones, en créant des groupes armés hostiles aux populations locales et au gouvernement, en servant les intérêts des pays voisins dont le Rwanda, etc.).
Le HCR note qu’à la fin du mois d’août 1994, les pays voisins du Rwanda abritaient plus de 2 millions de réfugiés, dont 1,2 million au Zaïre (RDC), 580 000 en République-Unie de Tanzanie, 270 000 au Burundi et 10 000 en Ouganda.
Cela n’ayant été suffisant, le régime de Kigali a, depuis plusieurs décennies, alimenté les conflits armés à l’Est de la RDC. Plusieurs rapports fiables de portée nationale et internationale confirment l’activisme du Rwanda dans les conflits armés en RDC.
Des experts des Nations-Unies ont, le 22 décembre 2022, publié un rapport dans lequel ils affirment avoir collecté des preuves substantielles sur le soutien direct du Rwanda et de ses forces armées nationales, aux groupes armés en RDC, plus particulièrement le M-23.
Cependant, le pouvoir de Paul Kagame continue de nier toute forme d’accusation allant dans ce sens. La pression de la Communauté Internationale monte et, pour la première fois la France a, en décembre 2022 ; appelé le Rwanda à cesser de soutenir le M-23. Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR) a annoncé qu’il existait en novembre 2022, environ 72 000 réfugiés congolais au Rwanda, à cause des conflits armés au Nord-Kivu.
Aux termes de l’article 1er de la Convention des Nations-Unies du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, « les réfugiés sont des personnes qui se trouvent hors de leur pays d’origine en raison d’une crainte de persécution, de conflit, de violence ou d’autres circonstances qui ont gravement bouleversé l’ordre public et qui, de ce fait, ont besoin d’une protection internationale.
C’est le cas exactement des « réfugiés congolais au Rwanda ». En effet, il n’y aurait pas de réfugiés congolais au Rwanda si ce dernier n’alimentait pas les conflits armés à l’Est de la RDC. La meilleure manière pour le Rwanda d’éviter les réfugiés congolais sur son sol, serait d’abandonner l’ambition de conquête du territoire de la RDC, et l’appui aux groupes terroristes (dont le M-23) actifs dans cette partie de la région des Grands-Lacs Africains.
Par ailleurs, en vertu du Droit International, chaque Etat a la responsabilité de protéger les personnes se trouvant sur son territoire national. La RDC devrait donc prendre ses responsabilités en main, veiller à l’intégrité de son territoire national et empêcher que ses populations soient déplacées par suite des conflits armés.
L’accueil des réfugiés Congolais par le Rwanda : Lumière par le droit international
En plus de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, il existe plusieurs instruments juridiques internationaux qui traitent des questions relatives au traitement des réfugiés. Nous focalisons sur la Convention des Nations-Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, et la quatrième Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
- De la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés
Dans son préambule et même à ses articles 3 et 8, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés prône la non-discrimination (liée notamment à la nationalité). Ainsi, les réfugiés congolais doivent jouir de tous leurs droits et des libertés fondamentales inhérentes à la nature humaine, notamment le fait de quitter la RDC pour le Rwanda par crainte de subir les conséquences des conflits armés imposés dans cette partie du pays.
Le préambule de cette même Convention souligne le fait que la question des réfugiés revêt un caractère social et humanitaire, ne devant devenir une cause de tension entre les Etats. S’il a de problèmes d’ordre politique, économique ou autres avec son voisin la RDC, le Rwanda ne devrait en aucun cas s’en prendre aux réfugiés congolais. Etant donné que la RDC et le Rwanda sont partie à la Convention de 1951, ils doivent faire recours à la Cour Internationale de Justice en cas de besoin d’interprétation des dispositions de la Convention (cfr art. 38 de la Convention de 1951).
- De la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles pendant la guerre
L’article 3 commun aux 4 Conventions de Genève du 12 août 1949 protège les personnes ne participant pas ou plus aux hostilités. Ces personnes doivent bénéficier d’une protection internationale par toutes les parties au conflit ou non.
C’est le cas des populations civiles congolaises cherchant à se réfugier au Rwanda à la suite des conflits armés récurrents dans leurs zones. En outre, l’article 44 de la quatrième Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre interdit de « traiter comme étrangers ennemis, exclusivement sur la base de leur appartenance juridique à un Etat ennemi, les réfugiés qui ne jouissent en fait de la protection d’aucun gouvernement ».
Si l’on se réfère à l’article 27 de cette même Convention, il est interdit « tout acte de violence ou d’intimidation, des insultes et de la curiosité publique » à l’endroit des personnes protégées par le Droit International Humanitaire (DIH), notamment les réfugiés. Par son annonce du refus d’accueillir les réfugiés congolais, le Rwanda viole expressément ces différentes dispositions.
En outre, l’article 33 de la Convention interdit les représailles contre les personnes sous la protection du DIH. Si le Rwanda a des problèmes avec la RDC, les réfugiés congolais ne devraient pas en être victimes jusqu’à subir les représailles de la part du gouvernement rwandais, notamment par le refus d’accéder à son territoire national.
CONCLUSION
La RDC et le Rwanda ont adhéré à la Convention de 1951 respectivement depuis le 19 juillet 1965 et le 03 janvier 1980 ; et à la 4ème Convention de Genève depuis 1961 et 1964. Ces deux Etats doivent par conséquent respecter ces instruments juridiques selon lesquels « toute personne en crainte (avec raison, notamment dans un contexte de guerre) d’être persécutée a le droit de se réfugier dans un autre pays et d’obtenir une protection internationale, tout en jouissant de ses droits et des libertés fondamentales ».
Le Rwanda ne doit pas refuser l’accueil des réfugiés congolais, et éviter d’être la source de la violation des droits de l’Homme par son appui aux groupes armés actifs dans la région des Grands-Lacs. Pour sa part, la RDC doit, par ses moyens militaires, diplomatiques et autres ; assurer la sécurité de ses populations civiles afin d’éviter des cas de refuge vers les pays étrangers.
Somme toute, selon le contexte actuel, la question des réfugiés congolais revêt un caractère humanitaire et ne devrait en aucun cas être teintée d’une connotation politique de manière à occasionner les représailles contre des personnes en fuite, craignant pour leur sécurité suite aux situations de violence armée.
Par Ibrahim NGILA KIKUNI, Chef de Travaux au Département des Relations Internationales à l’Université Officielle de Bukavu (UOB), Doctorant en Politique Internationale de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) / RDC et acteur humanitaire actif dans la protection des personnes les plus vulnérables et des personnes handicapées.
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