Sud-Kivu: La loi électorale, une opportunité pour une meilleure participation politique des femmes à Kabare 

Par Bernardin Murhabazi Matabaro/JDH

Rédaction Centrale
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Photo crédit CENI RDC

Les élections constituent un élément clé de la gouvernance démocratique. Plus d’un analyste pensent que, la participation politique des femmes est une condition préalable et nécessaire à tout processus véritablement démocratique. En République Democratique du Congo, la participation politique des femmes reste un défi majeur à relever. Ceci sera possible grâce à l’appropriation par les parties prenantes aux élections de la loi électorale qui garantit cette prérogative.

Le territoire de Kabare au Sud-Kivu est parmi les coins du pays dont les femmes sont rares en politique ou dans la gestion de la chose publique. C’est depuis l’avènement des élections en RD Congo que dans le territoire de Kabare, les femmes peinent à accéder aux instances de prise de décision. Selon le constat fait, aucune femme n’a été élue à la députation provinciale ni nationale dans cette partie du pays. Pourtant, selon Pierre Ronsavallon un analyste indépendant, les élections déterminent non seulement la dynamique et la répartition du pouvoir politique, mais aussi la nature des institutions qui façonnent la trajectoire politique et économique d’une société.

La faible participation politique des femmes de Kabare, qui en sont responsables?

Lors de notre descente sur terrain, les témoignages recueillis dans la chefferie de Kabare attestent que; la déconsidération des femmes dans des partis politiques, l’absence de soutien entre femmes et la non implication des femmes dans la politique mais aussi la propension des stéréotypes que véhiculent les hommes contre les femmes, seraient à la base de la faible participation politique des femmes.

« Je suis une femme, mais je ne peux pas voter pour une femme », déclare Madame Cibalonza, vendeuse au grand marché « Mana » de Cirunga. Elle estime que les femmes sont faibles pour plaider en faveur de la population; « les femmes sont différentes des hommes, quand on vote pour une femme, elle s’en va, elle oublie les souffrances des autres, mais les hommes s’ils partent, ils reviennent toujours et font au-moins quelques chose », estime-t-elle.

Contrairement à Cibalonza, d’autres femmes pensent que la cause serait le manque de considération des compétences féminines. « Nous voulons aussi voir une femme à la tête du groupement ou même au poste de l’administrateur du territoire, mais on ne tient pas compte de nous, visiblement nous ne sommes pas considérées, car même les récentes nominations des animateurs des entitées n’ont pas ciblé les femmes à Kabare», s’indigne Josée M’Mulira, enseignante d’une école secondaire catholique de la chefferie de Kabare.

Même indignation pour Madame Namanvu, militante de l’AFDC dans le groupement de Bushwira en chefferie de Kabare; « tout commence dans les partis politiques où les femmes n’accèdent pas aux postes stratégiques. Avec les histoires des quotas, il nous faut avoir un tel ou tel poste dans nos partis politiques pour espérer aussi accéder aux instances de prise de décisions, mais vous allez nous trouver au poste d’animatrice, etc.»

Mme Adéline Nabintu, représente des mamans de la paroisse Saint Joseph de Kabare, pense pour sa part que, les hommes ont une part égoïste dans la non participation des femmes et filles de Kabare aux instances des décisions issues des élections. « Dans nos territoires, rares sont les hommes qui acceptent que les femmes aient un poste de responsabilité. Hier, on était en train de nous miroiter que les femmes ne sont pas capables, qu’elles sont bonnes à rien. Nous devons militer pour que nous ayons au moins 40% de femmes élues », a-t-elle déclaré.

Quelle lutte pour une meilleure participation politique des femmes?

Pour l’association des femmes des Médias (AFEM), une organisation de la société civile œuvrant en territoire de Kabare, la faible participation politique des femmes à Kabare est due à la non implication des femmes dans la politique.

AFEM fait savoir que certaines femmes de Kabare se disent non concernées par la politique.  D’autres pensent que, voter pour une femme est une perte de voix, car cette dernière ne serait pas à mesure de plaider la cause de la population.

De son côté, maître Sourire Muhigirwa, animatrice chargée de plaidoyer à AFEM, fait savoir que pour palier ce problème, AFEM travaille afin d’apporter les connaissances aux femmes sur les élections, en vue de leurs permettre de  voter utile et de se faire représenter aux élections.

« Nous sommes là pour renforcer la capacité des femme sur leur participation aux élections, qui se préparent en RDC. Cela, en vue d’une meilleure représentativité des femmes. Actuellement, il s’observe une insuffisance des connaissances sur la participation des femmes aux élections et la connaissance des lois y afférentes », a-t-elle dit.

Maître Sourire a martelé sur la nécessité pour les organisations de la société civile de mener des plaidoyers auprès des décideurs pour que la lutte soit effective.

“Cependant, beaucoup reste à faire afin de permettre aux femmes d’accéder en nombre suffisant aux instances de prise de décisions issues des élections”, précise-t-elle.

Le respect de la loi électorale pour améliorer le score des femmes.

« Il y a une faible représentativité des femmes au parlement et dans le gouvernement; mais Il est avéré que des efforts sont consentis par le gouvernement ainsi qu’une volonté manifeste de partis politiques d’améliorer les conditions de vie des femmes malgré de nombreux obstacles qui se dressent vers la réalisation de ces objectifs », a indiqué Joseph Cirimwengoma, administrateur du territoire de Kabare, tout en encourageant les femmes à se porter candidates pour les élections en cours.  « Les femmes, soyez motivées pour devenir députées, pourquoi pas présidente de la république », a exhorté Cirimwengoma.

L’administrateur du territoire de Kabare rassure la participation massive de ses administrés à l’enrôlement. Il parle de l’intensification de la mobilisation et de la sensibilisation au niveau des femmes pour s’assurer de l’effectivité de leur participation.

« Les citoyens du territoire de Kabare se font enrôler en grand nombre, car ils veulent pouvoir exercer leur droit de vote. Il faut une mobilisation et une sensibilisation au niveau des femmes. Que leurs noms apparaissent sur les listes, afin qu’elles puissent être votées pour celles qui le désirent, se porter candidates. D’autres pourront les soutenir aussi pour renforcer la participation des femmes aux élections», a indiqué Joseph Cirimwengoma, administrateur du territoire de Kabare.

Il s’engage à soutenir la loi électorale avec des sensibilisations dans sa juridiction afin d’assainir l’environnement électoral et permettre ainsi aux femmes de se faire représenter en masse.

« La loi électorale, dans son article 13, stipule que toute liste qui aura présenté au moins 50% de femmes ne paiera pas la caution électorale. Pour en bénéficier, les femmes doivent se positionner dans les partis politiques. Nous espérons qu’avec cet instrument, les partis politiques vont favoriser davantage les femmes », a-t-il dit.

La disposition légale, une assurance de la participation politique des femmes en RD Congo

Maître Innocent Nyakura, Animateur-juriste au sein de l’organisation SOS Information Juridique Multisectorielle (SOS IJM), clinique juridique de Cirunga, estime qu’en tant que première force vive du pays, les femmes congolaises ont un rôle essentiel à jouer dans la construction du pays.

Pour lui, l’insuffisance d’instruction et la place « domestique » accordée à la majorité des femmes congolaises les empêchent d’accéder aux postes de prise de décisions, ou à tout le moins, de jouer leur rôle des citoyennes responsables.  » Devant cette situation, la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée et complétée à ce jour, consacre, dans ses articles 12 et 14, les principes d’égalité de droits, de chance et de sexe », a-t-il indiqué.

L’élaboration de la loi portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité est une application de l’article 14 de la Constitution, souligne Maître Nyakura.

 » Ainsi, la présente loi a pour but de promouvoir l’équité de genre et de l’égalité des droits, de chances et de sexes dans toute la vie nationale, notamment la participation équitable de la femme et de l’homme dans la gestion des affaires de l’Etat », conclut-il.

A lire : Élections en RDC : Au Sud-Kivu, JDH s’engage à accompagner les femmes aux prochains scrutins

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