RD Congo : La culture de respect des clients, un manque dans le chef des guichetiers

Par Ibrahim NGILA KIKUNI,

Rédaction Centrale
10 Min Read
Photo crédit

Actuellement en République Démocratique du Congo, de nombreuses institutions financières étrangères opèrent, aidant les personnes et les structures à atteindre leurs objectifs financiers. Cependant, les clients sont souvent victimes d’un manque de respect de la part des agents de ces institutions, malgré leur importance pour leur fonctionnement.

Des institutions financières en RDC

Actuellement en RDC, plusieurs institutions financières (dont les banques, les coopératives, les mutuelles d’épargne et de crédit ainsi que d’autres institutions de microfinance) sont opérationnelles, la plupart étant étrangères. Des personnes tant morales que physiques sont obligées de recourir à ces institutions pour plusieurs raisons dont l’obligation de la bancarisation des salaires des fonctionnaires et autres agents, l’insécurité, la quête des crédits, la preuve de garantie auprès des partenaires et bailleurs des fonds, la réponse à l’obligation légale demandant d’avoir un compte alimenté pour la création et le fonctionnement d’une structure, etc.

Au même moment que ces institutions aident les populations et les structures à atteindre leurs objectifs par la sécurisation de leurs fonds, elles bénéficient également des différents frais liés à la tenue des comptes, aux opérations multiples (transfert, retrait, etc.), aux intérêts liés aux crédits, etc. Malheureusement, les clients ne cessent d’être victimes au quotidien de l’absence d’une culture de respect de la part des agents de ces institutions (particulièrement les guichetiers) dont ils constituent pourtant le mobile de fonctionnement.

Quelques dysfonctionnements des banques dont se plaignent les clients

  • Les distributeurs automatiques sont souvent rendus non-opérationnels et la connexion internet très instable même au niveau des guichets particulièrement pendant la période de paie des agents. Ainsi, les clients sont obligés de faire plusieurs tours à la banque, d’attendre à longueur des journées sur une file d’attente … sans être servis.
  • Une limitation du montant et de la fréquence de retrait des fonds : ceci exige au client de faire plusieurs opérations, en lui prenant le temps et l’énergie. Un client devant par exemple retirer 1 million de Francs congolais se heurte à la limite de 200.000Fc de retrait par opération au distributeur. Combien de temps doit-il prendre pour se servir ? Et pendant ce temps, les autres clients attendent ! Une limite de retrait à 1.000$us par jour pour un client nécessitant 5.000$us, lui faut-il environ une semaine pour accéder au montant souhaité ? Et plusieurs autres cas similaires. Par malignité et égoïsme des institutions financières, cette limitation n’est pas applicable aux opérations de dépôt des fonds.
  • Un taux exorbitant de change : lors de la paie, certaines institutions financières rendent volontairement non opérationnels les distributeurs automatiques des Francs Congolais pendant que ceux en $us restent opérationnels. Ceci, pour pousser les clients impatients à convertir leurs Fc en $us afin d’avoir la facilité de retrait, mais à un taux exorbitant qui leur cause de pertes énormes en fonction du montant retiré.
  • Pire encore, certaines institutions se permettent de bloquer sciemment les salaires des fonctionnaires (particulièrement les enseignants) et les faire tourner jusqu’à ce qu’il y ait une pression des intéressés (menace de grève) pour que leur dû soit libéré.
  • Des retraits sont effectués sur les comptes des clients sans leur consentement et sans aucune explication. Certaines institutions ont fixé des frais de tenue de compte exorbitants, d’autres modifient les frais liés aux opérations sans en faire part aux clients, etc. Ainsi chaque mois, le client ne fait que constater des irrégularités sur le fonctionnement de son compte. Et quand il essaie de réclamer, des explications floues lui sont fournies. N’ayant pas de soutien ou négligeant la somme indument retenue, il finit par laisser tomber.
  • L’obligation aux clients de retirer des grosses ou petites coupures, ou encore des billets déchirés dont l’utilisation leur rendra la tâche difficile.
  • Des procédures très complexes et longues pour accéder à un crédit : nombreux sont les clients qui sollicitent le crédit pour faire face à une urgence. Non seulement qu’il leur est imposé un montant dit de « traitement de la demande », mais le processus en soi prend encore plus de temps que le montant de crédit est finalement libéré pendant que le client n’en a plus besoin. Et même s’il y renonce, les frais payés ne lui seront jamais remboursés !
Photo crédit
Photo crédit

Attitude de mépris des guichetiers

Oui, il faut en parler, et en parler davantage. Un comédien de la ville de Goma a sorti il y a plusieurs mois une vidéo de sensibilisation à ce sujet mais rien ne change. Plusieurs guichetiers au sein des institutions financières en RDC font preuve de manque de déontologie professionnelle notamment par le mépris de leurs clients. Il est déplorable qu’ils ignorent que ces clients constituent la raison d’être et la base de fonctionnement de leurs institutions. Malheureusement, ces guichetiers manifestent plusieurs attitudes et comportements négatifs face à leurs clients. Nous citons ici quelques exemples basés sur notre propre expérience (pas moins de 10 institutions financières de la place) et des témoignages sur le terrain :

  • Le manque d’attention : plusieurs guichetiers privilégient leurs téléphones (réseaux sociaux, appels privés réguliers, etc.) et échanges avec leurs collègues (des blagues et causeries non professionnelles) au lieu de servir leurs clients dépassés par l’attente. Cela fait très mal aux clients et témoigne d’un manque de considération à leur égard.
  • L’absence de courtoisie : certains clients se présentent au guichet sans la maîtrise des procédures de l’institution, sans savoir lire et écrire, etc. Au lieu de recevoir une orientation courtoise, ils se voient grondés ou refoulés par le guichetier. Cette attitude est suivie par des propos discourtois et moins respectueux touchant à la dignité des clients. Certains guichetiers se permettent même de quitter leur poste de travail et s’en aller (soit en pause ou dans d’autres choses) sans présenter les excuses ni orienter le client débout devant leur guichet et attendant d’être servi.
  • Faible esprit d’écoute et de serviabilité : plusieurs guichetiers imposent aux clients les billets de banque, parfois même le montant à retirer ; sans avoir le temps ni de les écouter, ni de les orienter. En cas de réclamation sur la qualité des billets ou même des coupures, le client est demandé de soit prendre ce qui lui est remis, soit aller se débrouiller ailleurs.
  • Le favoritisme : alors que plusieurs clients attendent sur la ligne, le guichetier sert en priorité ses connaissances qui se présentent à peine au guichet. Par ailleurs, le guichetier fait souvent semblant de servir le client débout devant lui alors qu’en même temps il traite des demandes de retrait de ses proches qui lui sont malignement déposées sans respect de l’ordre d’arrivée au guichet.
  • Le non-respect de l’inclusion : les femmes enceintes et celles allaitantes, les personnes de troisième âge ainsi que celles handicapées ne bénéficient aucunement pas de la clémence de certains guichetiers. Malgré leur état, elles sont obligées de passer plusieurs heures en attente, et voir même certaines personnes être servies alors que ces dernières soient arrivées après elles ; etc.

Il est temps que les guichetiers fassent preuve de respect de leurs clients

Au regard des faits susmentionnés, nombreux s’interrogent sur l’existence des codes de bonne conduite et de déontologie au sein des institutions financières en RDC. Et si ces codes existent, les agents sont-ils formés quant à ce ? Et s’ils sont formés, les mécanismes de signalement et de gestion des plaintes sont-ils adaptés et opérationnels de manière à garantir le respect des clients ? Les institutions financières étant publiques (et recevant toutes catégories de personnes), leurs agents devraient faire preuve de bonne déontologie et de respect ; ce qui n’est malheureusement pas le cas en RDC.

Ils sont très nombreux, les clients qui s’en plaignent mais sans être écoutés. Se voyant aujourd’hui très sollicitées, les institutions financières en RDC ne cessent de développer un certain mépris et manque de considération envers leurs clients. Si cette situation perdure, il y a crainte que les clients développent à la longue d’autres mécanismes (notamment la méfiance), et les institutions financières en seront grands perdants.

Auteur

CT Ibrahim Ngila
CT Ibrahim Ngila

Ibrahim NGILA KIKUNI, (MSc), Doctorant en Relations Internationales de l’Université de Kinshasa et Chef de Travaux au Département de Relations Internationales de l’Université Officielle de Bukavu en RDC.

A lire aussi : « FOKA-FOKA », Ces engins roulants très dangereux pour la population de Goma, Bukavu et ses environs

Share This Article
1 Comment